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La Lanterna International  5 dicembre 2022 – La route sombre des migrants

De Marcco Maltesu

“La Lanterna International”, versione francese degli articoli della rubrica “La Lanterna” – “La Lanterna International”, version FRANÇAISe des articles dans la rubrique “La Lanterna”

“Migrants économiques”, telle est la définition donnée de façon péjorative à ceux qui arrivent en Italie, presque toujours par la mer, sur nos côtes ou nos îles. Lampedusa est le point le plus facile à atteindre en raison de la position qu’elle occupe, au milieu de la Méditerranée, plus près de l’Afrique que de la Sicile.

Mais qui sont ces gens qui arrivent dans des conditions terribles sur notre territoire et d’où viennent-ils ? Le Nigeria, la Côte d’Ivoire, l’Afghanistan, la Syrie … ce sont les pays d’où proviennent la plupart des migrants.

Des pays comme ceux d’Afrique qui regorgent de richesses, plus particulièrement celles du sous-sol, et qui pourraient être riches, mais au lieu de cela restent extrêmement pauvres parce que l’exploitation est surtout le fait de sociétés étrangères, en grande partie européennes. Elles soudoient souvent les gouvernements de ces pays grâce à la corruption de leurs dirigeants et ne laissent même pas aux populations de ces nations les miettes de la richesse produite, détruisant souvent l’environnement et ne restituant que des lieux de pure et simple souffrance.

Chaque année, ce sont des milliers de personnes arrivent en Italie après de longs voyages en mer. Le nombre total de personnes débarquées en Italie à partir 1er janvier 2022 au 11 août 2022 est de 45 664 (Source : ministère de l’Intérieur). Sur la même période en 2021, il était de 32 533.

Sur la même période, ou légèrement moins, du 1er janvier 2022 au 31 juillet 2022, ce sont 1 166 personnes qui sont entrées en Italie par des voies légales (réinstallation, couloirs humanitaires, évacuations humanitaires) et elles étaient 413 pour la même période en 2021.

Comme le montrent les chiffres, il est très difficile d’arriver en Italie de façon régulière. Néanmoins, les gens ne viennent pas tous pour rester en Italie. La preuve en est la quantité de demandes d’asile soumises en 2021 aux différents services de ces États :

  • Allemagne (148 200)
  • France (103 800)
  • Espagne (62 100)
  • Italie (43 900)
  • Autriche (36 700)

La Méditerranée, qui historiquement a toujours été une mer unissant les pays qui bordaient ce morceau de monde appelé “le berceau de la civilisation” est désormais devenue le théâtre d’une situation alarmante qui parle de guerres, de misère, de famine.

Les femmes, les hommes et les enfants doivent faire face à de longs voyages à travers cette mer à la recherche d’un avenir ou simplement d’une espérance, fuyant de terribles conflits, des dictatures et la pauvreté.

Bien souvent, je me suis vu réfléchir à ce que peuvent éprouver les personnes qui se retrouvent sur ces bateaux petits ou gros, peut-être la nuit, incroyablement serrées, sans presque aucun espace pour respirer, sans aucune lumière dans l’obscurité totale des ténèbres et de la mer.

Ce doit être un vrai désespoir celui qui les anime, parce que moi, je mourrais de peur rien qu’à me trouver dans ces conditions, sans parler des situations où en plus les passeurs sont violents !

Et je n’ose pas penser au voyage qui a précédé ce terrible moment de l’embarquement.

Mais d’où proviennent ces gens qui arrivent en Italie sur nos côtes ?

Selon le HCR, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la plupart des migrants débarquant sur les côtes italiennes proviennent de pays d’Afrique sub-saharienne, en surmontant de nombreux obstacles, dont le dernier, la mer Méditerranée, est toujours très dangereuse, notamment en hiver.

Tout aussi dangereuses les situations qui sont à l’origine de ces migrations. Il n’est pas seulement important de savoir d’où viennent ces milliers de personnes, mais aussi de connaître et de comprendre les raisons des flux migratoires pour se rendre compte du pourquoi les gens quittent leur pays d’origine.

Ci-dessous les informations avec des données en pourcentage obtenues de source HCR.

  • Nigeria : en Italie, c’est de ce pays que vient le plus grand nombre de migrants, 19%. La situation là-bas est vraiment grave, surtout dans le nord, menacé par le terrorisme islamique de Boko Haram. Je pense que tout le monde se souvient des enlèvements massifs d’élèves des écoles, en particulier de jeunes filles, et de leur sort. Dans le sud du pays, la situation n’est absolument pas meilleure : dans cette région persiste une guerre intérieure féroce, liée au contrôle des puits de pétrole dans le delta du fleuve Niger. Sans parler de cette même zone, où les compagnies pétrolières, par leur exploitation sans discernement et sans aucun respect pour le territoire, ont pratiquement détruit la zone avec des résidus de pétrole et des émanations qui ont compromis la vie de la faune et de la flore locales, anéantissant les chances de survie de la population locale.
  • Érythrée : de cette ancienne colonie italienne dans la Corne de l’Afrique proviennent 13% des migrants qui débarquent en Italie. Il y a là une dictature militaire que fuit toute la partie de la population qui réussit à en trouver les moyens. C’est le cas en particulier de nombreux jeunes, qui tentent ainsi d’éviter aller faire le service militaire, sans aucune perspective d’une vie normale, ceci dans un contexte de conflits permanents et généralisés avec la population.
  • Soudan : Environ 7% des migrants sont d’origine soudanaise. Dans ce pays, il y a une dictature dure et il y persiste une situation politique et sociale extrêmement grave. Dévasté par une guerre civile officiellement terminée en 2005 mais en réalité toujours en cours, le Soudan, ancienne colonie britannique, se bat toujours pour atteindre sa propre tranquillité, ce qui est malheureusement loin.
  • Gambie : 7 % des migrants arrivant en Italie sont originaires de ce pays de ce pays situé sur la côte ouest de l’Afrique, qui a été gouverné pendant 22 ans par Yahya Jammeh (jusqu’en 2017), après être arrivé au pouvoir par un coup d’État. La situation était horrible : selon les associations de défense des droits humains, ce pays a connu de façon continue des enlèvements, des détentions arbitraires et des actes de torture. Vraiment difficile de ne pas penser à s’échapper d’un tel endroit. Depuis 2017, la situation est en cours d’amélioration, mais pour le moment le pays évolue toujours dans un contexte de grande crise.
  • Côte d’Ivoire : 7% des migrants sont originaires de ce pays qui est coupé en deux en raison d’un conflit interne qui a miné la situation sociale en particulier durant les 20 dernières années. La situation des femmes confrontées au problème des mutilations génitales, combiné à des difficultés économiques majeures, agit comme un puissant accélérateur de la fuite du pays, de la pauvreté et des dangers de la guerre civile.
  • Somalie : 5% des personnes arrivant sur les côtes italiennes viennent de ce pays considéré comme un “État en faillite”. Dans cette ancienne colonie italienne de la Corne de l’Afrique, une guerre est en cours depuis le début des années 90, soit une trentaine d’années. Elle a été précédée par une dictature pendant 20 ans, sans aucune solution de continuité. C’est l’un des pays les plus pauvres du monde.

Des pourcentages plus faibles de réfugiés proviennent de pays tels que le Pakistan, l’Afghanistan, revenu sous la coupe du régime des talibans après la prise de pouvoir en 2021 avec son lot de lois liberticides, notamment à l’encontre des femmes, le Sénégal, le Mali, le Tchad, l’Égypte (tous dans des situations très “délicates” d’un point de vue économique et notamment en ce qui concerne le respect des droits humains) et la Syrie, une nation qui est en guerre depuis mars 2011 sans aucune perspective d’en voir la fin, avec 570 000 morts en 11 ans de guerre, avec la majeure partie du pays complètement rasé au sol et 12 millions de personnes déplacées, dont 6 millions de réfugiés à l’étranger.

La répartition des débarquements par origine est également très intéressante (données de l’UE sur la période du 1er janvier 2022 au 11 août 2022, comparées à celles de la même période de 2021). La source la plus importante, soit 54,3 %, est la Libye, en hausse par rapport aux 50,2% de 2021. Puis la Tunisie 27,4%, en baisse par rapport aux 33,7% de 2021. Vient ensuite la Turquie avec 15,4%, contre 11,2% en 2021. Le pourcentage des autres pays de départ est très faible, inférieur à 1,5 %. Ces chiffres démontrent que les accords existants entre la Libye et l’Italie et entre la Turquie et l’UE ne fonctionnent pas concernant la fonction de filtrage requis de ces nations : plus d’une personne sur 2 arrivées en Italie vient de la Lybie, à peine moins d’une personne sur six débarquant en Italie provient de la Turquie. De plus, les gens sont soumis dans ces pays, malgré le fait que les gouvernements reçoivent des montagnes d’argent, à des traitements inhumains, indignes de notre civilisation et de notre humanité. Analysant les données d’entrée, sur tous les angles, compte-tenu du fait que la route des Balkans était la route la plus utilisée, le plus grand pourcentage de personnes entrantes a été absorbée par l’Allemagne. Les chiffres de 2019, année précédant la pandémie, nous indiquent que sur un total de 188,6 millions d’Européens entre les âges de 20 et 64 ans (âge actif), il y avait 8,6 millions de ressortissants de pays tiers (hors UE) qui étaient présents dans l’UE et employés, soit 4,6 % du total.

La grande majorité travaille comme employés dans le secteur de la propreté et aides, de l’aide à la personne, de l’assistance aux personnels soignants dans les services de santé, ou encore employés dans le bâtiment, ou comme travailleurs non qualifiés dans les mines, la construction, les transports, la restauration, l’agriculture et de la pêche.

La migration en 2020 en chiffres :

  • 1,92 million de personnes ont immigré dans l’UE
  • 0,96 million de personnes ont émigré hors de l’UE
  • Immigration nette totale dans l’UE : 0,96 million de personnes

Il est intéressant de noter que, sans l’immigration, en 2019, la population européenne se serait réduite d’un demi-million, étant donné que cette année-là, 4,2 millions d’enfants sont nés et 4,7 millions de personnes sont décédées dans l’UE. En 2020, la population de l’UE s’est réduit d’environ 100 000 personnes (de 447,3 millions au 1er janvier 2020 à 447,2 millions au 1er janvier 2021), en raison d’une combinaison de la baisse des naissances, d’une augmentation des décès et d’une diminution du solde migratoire.

La gestion des flux migratoires est, en tout état de cause, une question à traiter par les gouvernements des pays occidentaux avec une préparation adéquate, dans un cadre scientifique, sans instrumentation et surtout de façon humaine.

Le besoin, en fait, est de créer des politiques d’accueil sérieuses de la part des États, c’est-à-dire de mettre en place une série de mesures capables, d’une part, d’accueillir de manière adéquate les citoyens issus de milieux problématiques, et d’autre part de faciliter leur intégration, espérons-le par le biais d’une politique efficace d’un point de vue social, apte à aider les migrants à toutes les étapes de cette transition.

Les principaux problèmes, bien sûr, sont ceux qui concernent l’hébergement physique des migrants et leur intégration dans l’emploi. Des problèmes qui conduisent souvent la classe   politiques à une utilisation absolument instrumentale du phénomène, désignant les immigrants exclusivement comme un problème et jamais comme une ressource, comme une présence qui, traitée de cette façon, a pour seul effet de faire éprouver au reste de la population un sens d’abandon, d’insécurité et de restriction de ses propres droits, contestés par ceux qui continuent à être désespérés même si dans un pays où il n’y a pas de guerre.

En plus de ce qui a déjà été dit, les politiques d’accueil doivent inclure des cours de langue et de culture civique, pour mettre les personnes arrivant de situations sociales très différentes en capacité de connaître au moins les éléments de base des règles de notre société, ainsi que les droits et les devoirs.de chaque personne qui se trouve sur le sol italien.

A l’ère de la mondialisation, nous constatons qu’après avoir espéré un rapprochement entre tous les peuples du monde, nous nous retrouvons à avoir créé la libre circulation des marchandises mais pas celle des personnes… Et au lieu de cela, on en est réduit à définir ces gens comme une “charge résiduelle”, ce qu’aucun dictionnaire, ni aucun terme technique ne pourra qualifier, au regard de leur humanité !!!

Traduzione de Nicole Arthaud 

 (Traduzione dall’italiano a cura di Nicole Arthaud)

Marco Maltesu
Directeur de la rédaction ilponentino.it
Direttore di redazione ilponentino.it